Le combat

Mes collègues m’avaient indiqué cet endroit, d’habitude leurs tuyaux étaient de bonne source.

Je me rappelle encore de leur dernière info ; Le festin de tous ces corps ensanglantés, démembrés et encore chauds, je ne savais plus où donner du bec, j’ai même eu du mal à m’envoler tellement j’en avais l’estomac lourd.

Je m’approchais de cette forteresse à tire d’aile. Le ciel était gris, de gros nuages se déplaçaient rapidement. Je tournoyais autour.

Le château était de facture classique, il ne résistera sûrement pas longtemps vu la masse des assaillants, croyez en ma longue expérience, on va se régaler.

Sur les remparts, des archers lançaient leurs flèches sur les soldats en contrebas.

Ils y en avaient là des milliers brandissant des lances en tenue d’Adam, leurs corps transpirants les faisaient briller au loin.

En m’approchant, je pouvais apercevoir au pied de cet édifice, un combat au corps-à-corps sans merci qui c’était engagé entre les deux camps, dans la poussière et la chaleur.

Le bruit des armes qu’y s’entrechoquaient, des boucliers qui recevaient ces coups répétés, augmentait d’autant la tension des combattants que l’on pouvait lire sur leurs corps.

Derrières ses bruits d’acier et de fureur, on pouvait entendre le râle des blessés ainsi que les ordres impératifs donnés par les centurions.

Tout allait très vite, les adversaires se dégageaient de leurs assaillants pour passer à un autre sans s’arrêter.

Certains tombaient au sol, blessés ou épuisés, d’autres venant les remplacer pour s’affronter.

Toujours changeant, ils venaient au front faire leur devoir, poussés comme une vague qui les emportaient vers leur destin.

Au loin derrière, on dirait que les combats diminuaient de force.

Que se passait-il ? Allaient ils s’arrêter de s’affronter ? Cela aurait été dommage, je voyais déjà le festin que j’allais faire.

Tout à coup, j’ai vu apparaître entre les lignes de front un groupe de femmes avec leur progéniture se faufilant entre les assaillants, certaines brandissant leur enfant nu  comme seule arme demandant de cesser, d’autres déposant leurs enfants au sol pour délimiter une zone de paix entre les adversaires ou présentant leur poitrine aux épées, exaltant les troupes à cesser leurs combats.

Comme sidérés par ces apparitions, ils s’immobilisèrent mais restèrent toujours sur leurs gardes muscles tendus, épée prête à trancher ou à transpercer, le bouclier en avant à les protéger des coups qui pourraient venir, ils ne savaient plus quoi faire, comme désarçonnés par cette situation peu ordinaire.

Le temps se suspendit, l’intensité des combats diminua, de proche en proche, suivant le cheminement de ces femmes avec leurs enfants, venant se mettre à la merci de ces hommes.

Les hostilités cessèrent, chacun retournant dans son camp pour retrouver  sa femme,  sa mère,  sa sœur,  ses enfants. C’était bien la première fois que je voyais ça, pourtant j’en ai vu des combats dans ma longue vie.

Je suis resté interloqué par le courage de ces femmes affrontant la fureur des combats avec comme seule arme la puissance de leurs évocations.

J’en ai même eu une larme à l’œil.

Bon, ce n’est pas tout ça, il va falloir aller manger.

Yann

mars 26, 2013